Fruits et légumes 2021 : l’art et la science de la conservation des graines biologiques

 
Crédit photos: Broadfork Farm

Crédit photos: Broadfork Farm

 
 
 

Le printemps arrive à grand pas et il est temps d’acheter vos semences chez les producteurs locaux.

À partir de février, nous présentons nos marchands et nos membres dans une série de dix chapitres pour l’Année internationale des fruits et légumes.

Dans ce premier chapitre, Shannon Jones de Broadfork Farm, un producteur local qui recommencera bientôt à vendre des graines pour la saison, nous explique le processus de conservation des semences et comment on peut approfondir ces connaissances.

Pour Shannon Jones, qui a fondé Broadfork Farm avec son conjoint Bryan Dyck en 2011, conserver les graines en tant que ferme biologique « semblait tout simplement naturel ». Même s’ils ne cultivent pas leurs propres graines, ils offrent tout de même une variété de bulbes qu’ils vendent aux clients. Il est important de soutenir votre producteur de semences local, car 95% des légumes plantés au Canada proviennent de graines importées (Source).

 
 
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Plusieurs catégorisations de graines et différents niveaux de difficulté

Les graines peuvent être divisées en plusieurs catégories, ce qui les rend plus faciles ou plus difficiles à conserver et à planter. Shannon en a cité quelques-uns tout au long de notre entretien : pollinisation, annualité, hybridité et type de gousse. Mais qu’est-ce que tout cela signifie vraiment?

Premièrement, les graines sont d’abord auto-pollinisées ou croisées. « Parfois, les gens appellent [les variétés autogames] des « plantes autofécondées  » [ou « selfers » en anglais]. Celles-ci incluent les fruits et légumes, les graines comme les pois, les haricots, les tomates, les poivrons et la laitue [par exemple], qui peuvent être plus faciles à planter car vous n’avez pas à vous soucier du croisement avec d’autres [légumes]. Il est important de savoir ça.

D’un autre côté, elle mentionne la courge, la courgette, le concombre, le maïs et le brocoli comme exemples de plantes à pollinisation croisée.

Les cultures bisannuelles sont plus difficiles à conserver que les annuelles, dit-elle, car dans notre climat, nous devons les préserver pendant l’hiver.

« Les carottes pourriront souvent dans notre climat si elles sont stockées dans le sol en hiver, mais dans certains climats, elles peuvent être stockées en hiver dans le sol, de sorte que les gens les stockent souvent, dans endroits comme les glacières ou des caves à racines, ou dans un sous-sol, et ils les replantent »

Elle prend l'oignon Rossa Di Milano comme exemple d’une récolte bisannuelle qu’elle a sauvée il y a deux ans. « Donc en 2019, nous avons conservé cette belle variété d’oignon à pollinisation libre, donc nous les avons : récoltés, séchés, apportés à l’intérieur, triés, et ceux que nous aimions le plus, nous les avons conservés pendant l’hiver dans un endroit frais, sec qui ne gèle pas. »

Le printemps suivant, ils les ont plantés. « À ce moment-là, une grosse tige haute pousse et forme un capitule (une tête de fleur). […] Les fleurs ont ensuite été pollinisées et elles sont devenues des graines. Nous avons donc conservé ces dernières en 2021, et cette année en 2021 sera la première année où nous cultivons ces graines, donc cela prend deux ans, […] beaucoup plus qu’une graine annuelle. » 

Ils en ont vendu à Annapolis Seeds, où vous pouvez les acheter sur leur site Web.

 
 
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Et puis, pour les débutants, les graines hybrides (souvent celles achetées dans les épiceries) peuvent être un cas de « ça passe ou ça casse » en matière de prévisibilité. C’est pourquoi, lors de la conservation des graines pour des cultures prévisibles, il est important d’acheter des graines à partir de variétés à pollinisation libre plutôt qu’hybrides. « Les jardiniers peuvent conserver des graines hybrides s’ils le souhaitent, les cultiver, mais certaines choses peuvent finir par avoir mauvais goût tandis que d’autres peuvent avoir un goût incroyable. C’est donc un peu un pari. »

Lors de la transformation, il y a aussi le type de « gousse » des graines : « Certains types de plantes ont des graines humides tandis que d’autres ont des graines sèches. Ainsi, les graines humides comprennent comme les tomates, les courges, les concombres, les courgettes ou les tomatilles, les graines ont cet enrobage humide à l’intérieur du fruit. Et puis, il y a les graines, où elles sont de superbes petites gousses. Les graines deviennent vraiment sèches sur la plante et elles peuvent se disperser. Celles-ci deviennent sèches d’elles-mêmes. Donc, celles qui sont secs, nous les récoltons généralement dans des sacs en papier. Et de cette façon, nous pouvons les sécher davantage, le sac en papier peut les aider à faire ressortir un peu d’humidité. » 

Les tomates, généralement une bonne graine pour les débutants

« Au tout début, nous ne conservions que quelques variétés de graines de tomates qui n’étaient pas disponibles sur le marché », explique Shannon.

Elle recommande en fait les graines de tomates aux débutants, car ce sont des annuelles et elles mûrissent en même temps que le fruit (la partie que nous mangeons). « Une fois que la tomate est mûre, elle a aussi des graines qui sont mûres. Et c’est en fait toute la stratégie de la plante. » En fait, le fruit de la tomate finit souvent par être mangé par les animaux, car il est d’une belle couleur à maturation. Cela permet à la plante de se répandre, car « les graines sont assez petites, donc elles peuvent passer de manière intacte dans notre système digestif », indique-t-elle.

Voici une petite procédure gracieuseté de Shannon pour vous aider à essayer de faire pousser des tomates à la maison :

« Ce que font la plupart des gens, ils fermentent d’abord les graines de tomates avant de les sécher. Vous écrasez une tomate et sortez toutes les graines dans un bocal, versez ensuite de l’eau dessus, puis laissez de côté pendant quelques jours. Vous devez cependant le couvrir, car vous obtenez également des mouches à fruit qui pourraient vous sembler un peu dégoûtantes. Vous le laissez juste quelques jours. Parfois, il y a un peu de moisi, mais ce n’est pas grave. Que devez-vous faire dans ce cas? Après quelques jours, vous commencez à les rincer, en ajoutant de l’eau et l’enlever par la suite plusieurs fois afin de se débarrasser de la « gelée ». Idéalement, à ce stade, les graines se sont séparées de la gelée. Donc vous continuez à verser de l’eau et à verser de l’eau et les graines qui ne seront pas viables, qui n’ont pas été pollinisées dans le plant de tomate, elles seront très légères et elles flotteront et disparaîtront aussi. Donc, vous les nettoyez de cette façon, puis vous les séchez quelque part… Une chose intéressante à retenir est que les graines sont vivantes, elles sont juste dormantes. Vous voulez les sécher un peu, mais vous ne voulez pas qu’elles soient trop secs comme des feuilles sèches, par exemple. »

Si les tomates semblent intimidantes à pousser après que les graines ont été conservées, car elles poussent mieux dans les serres qu’à l’intérieur, elle mentionne que les pois et la coriandre sont aussi bons pour les cultures débutantes.

 
 
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La courge, une aventure imprévisible mais amusante

Les légumes de la famille des courges semblent faciles à conserver mais sont au contraire très imprévisibles, mentionne Shannon. En effet, la courge peut être pollinisée par des abeilles et des bourdons, mais aussi par un insecte encore plus rare appelé l’abeille des courges.  

« Les abeilles peuvent voler sur d’assez longues distances, alors les courges peuvent être pollinisées avec quelque chose d’autre poussant à 1.6 km de celles-ci. C’est pourquoi il est difficile de conserver les graines d’un légume qui a une pollinisation croisée sur une grande distance. […] Par exemple, nous cultivons plusieurs variétés de courges pour nos clients, alors nous ne conservons pas les graines des courges car nous avons déjà une grande variété sur notre ferme.  »

Alors que pour un jardinier il n’est pas vraiment important de savoir qu’elle sera le résultat d’une graine à pollinisation croisée ou hybride, pour un agriculteur qui ne pourra pas goûter aux légumes qu’il vendra à ses clients, il est préférable de pouvoir prévoir le résultat. « Disons qu’une variété savoureuse de courge a une pollinisation croisée avec une variété moins bonne, le résultat des graines l’année suivante pourrait avoir une variété de goûts et de tailles », affirme Shannon. 

 
 
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Un savoir local important

En tant que vendeur de graines, Broadfork Farm a besoin de posséder plus de connaissances qu’un fermier ou un jardinier qui eux conservent des graines pour leur utilisation personnelle. 

Shannon affirme cependant que la conservation de graines ne devrait faire peur à personne.

« Les humains ont évolué avec les plantes, ont conservé les graines et ont appris. La conservation des graines ne devrait donc pas être hors de portée, c’est le genre de chose qui s’apprend avec le temps. Les gens devraient se sentir confiants d’essayer même si le succès n’est pas garanti, […] les gens qui conservent des graines depuis 50 ans en apprennent encore un peu plus chaque jour. » 

Ce que l’on peut retirer de cette entrevue est que la conservation de graines prend beaucoup de temps à maîtriser, mais il faut commencer quelque part. Assurez-vous de vérifier les sources en ligne pour les conditions et le temps d’entreposage des graines, comme tout dépend du type de graine que vous voulez conserver. 

On se revoit en mars pour le chapitre « Semis » de nos série mensuelle!