La Ferme Marcel Goguen, un patrimoine agricole de longue date

 
 
 
 

Cette semaine, le patrimoine est à l’honneur au Nouveau-Brunswick, l’occasion parfaite d’en apprendre plus sur la riche variété d’histoires ancestrales qui se trouvent dans notre cour arrière.

La ferme Marcel Goguen, à Cocagne, membre de La Récolte de Chez Nous, en est un excellent exemple, depuis presque deux siècles et demi!

Des histoires, les Goguen en ont une foule à raconter aux visiteurs de leur ferme, située à Cocagne. Gérée par Marcel et Bernadette Goguen, le début de cette entreprise familiale date de très longtemps… des années 1780.

C’est le fils du fondateur de Cocagne, Joseph Gueguen fils, qui a reçu une terre du gouverneur de Halifax (Nouvelle-Écosse). Parce que oui, c’était avant la fondation du Nouveau-Brunswick.

Et la terre a été productive depuis ce temps. Selon Marcel Goguen, l’évolution de leur ferme reflète très bien l’évolution de l’agriculture du pays, qui a commencé en tant que ferme de subsistance : « De ce que l’on peut voir des documents, [la première préoccupation] est de produire la nourriture pour la famille, du bois de chauffage, etc. », dit-il.

C’est à partir des années 1910 et 1920 que cette ferme de subsistance se diversifie : « Ils veulent vendre des [biens] à l’extérieur, faire de l’échange. Après ça, dans le temps de mes parents, ils produisaient des œufs, puis des graines, puis nous finalement on [cultive] presque exclusivement commercialement la pomme. On s’est spécialisé davantage, c’est ça qui fait la différence. »

 
 
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Un lien au patrimoine et à la terre

Pour lui, c’est un lien spécial au territoire et à l’histoire qui a fait que sa famille a continué pendant autant d’années à produire sur cette terre.

« La fierté qu’on a de notre ferme a toujours été importante. [...] je crois qu’il y avait vraiment un effort que ce ne soit pas abandonné. Tout le monde veut garder un lien avec ce passé-là, donc [...] il y a peut-être quelque chose dans le sang qui fait qu’on ne va pas abandonner notre terre. »

Avec cette succession familiale, des pratiques ancestrales sont perpétuées.

«On fait de la rotation des champs, on fait encore [notre propre] compost [...]. Il y a aussi une connaissance du terrain, du climat, du temps où on peut aller travailler la terre. [Il y a le fait] d’attendre plus tard pour ne pas que [la terre] se compacte afin de ne pas faire de dommages qui causeraient de l’érosion, ce sont toutes des choses que nous apprenons “par osmose” de nos parents. »

Il retient aussi certains conseils de sa famille qui aident à préserver la structure du sol.

« Je me rappelle chez nous c’était important, il ne fallait pas trop aller sur les terrains [au printemps] parce que si c’était humide ça compactait le sol, il ne fallait pas briser la texture du sol. »

Un sol bien structuré est d’ailleurs l’un des secrets pour garder sa terre productive plus longtemps, dit-il : « Si l’on ne fait pas cette pratique, la terre va être dure, elle va faire une croûte si on la travaille trop [...]. Si l’on compacte le sol, l’eau va rester sur la surface. Ça tue la végétation, ça dégrade le terrain au fur et à mesure que les années passent. »

Ces principes ne sont pas seulement propres à l’agriculture écologique, ils sont connus depuis longtemps, mentionne-t-il.

 
 
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De l’enfance à la reprise de la ferme

De son enfance passée à la ferme familiale, Marcel Goguen en garde de très bons souvenirs, mais ce qui se démarque selon lui c’est le sens de responsabilité : « Tout le monde qui demeurait à la maison, que ce soit la grand-mère, ou le plus petit des enfants, avait une responsabilité ou une chose à faire. On sentait donc toujours qu’on participait à ce qui se passait dans la famille. »

Mais en grandissant, il rêvait de déménager et de faire des études. Ce n’est qu’en passant quelques années à Moncton qu’il décide de revenir sur la ferme. « La ferme me manquait, puis l’intérêt pour ça est revenu graduellement. Dans l’été je m’en venais puis j’aidais mon père, mon frère sur la ferme, [...] donc j’ai retrouvé mon intérêt. J’ai été obligé de m’éloigner pour mieux l’apprécier. »

 
 
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Une ferme ouverte au public

La ferme Marcel Goguen offre un service d’autocueillette le temps des pommes. Par contre, ils ne s’affichent pas comme un verger, mais comme une ferme. « On a toujours eu un peu d’animaux [de la ferme] pour montrer aux gens, puis il y a tout le temps quelqu’un de disponible pour répondre aux questions sur la ferme. Puis on a des objets, des outils ancestraux [en exposition]. »

Parmi les visites d’écoles, les familles et les personnes âgées, tout le monde vient avec un but différent. « [Les enfants] veulent voir les cochons, le cheval, les poules, les animaux dans un contexte des années passées. » 

La variété des animaux de la ferme est tellement surprenante pour les visiteurs que Marcel Goguen raconte à la blague qu’il y a autant de photos prises sur sa ferme qu’au zoo.

« Ils ont seulement vu les poules blanches à la télévision, qui pondent des œufs blancs… Donc quand ils voient une poule multicolore, ils [se posent des questions]. Nos cochons sont toujours une grosse attraction, parce que personne n’a jamais vu un cochon âgé. Ils sont toujours émerveillés de la grosseur, des apparences... »

Pour les personnes âgées, c’est un peu différent : « C’est très nostalgique pour [certains], qui avaient grandi avec ces animaux-là, sur les fermes. On voit beaucoup de gens qui veulent nous raconter leur jeunesse ».

 
 
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La COVID 19, une crise parmi d’autres?

Dans un autre registre, la crise de la COVID-19 ne se compare à rien que Marcel Goguen a vécu sur sa ferme, malgré le fait qu’il a vu d’autres crises.

« À la fin de la saison [des pommes], c’est passé à “orange”, et là ç’a beaucoup, beaucoup diminué. Le monde savait plus si c’était permis ou pas permis, comment on allait gérer ça, donc on avait une baisse dans la participation des gens. »

Pourtant, ils en ont connu, des embûches.

«Nous avons eu un gel total des pommes, nous avons perdu la récolte complètement. C’était une grosse perte dont nous sommes encore en train de nous remettre. Nous avons eu des difficultés comme tous les autres producteurs, des maladies, des insectes, mais jamais rien qui n’a affecté les ventes comme l’année de la COVID-19. Parce que nos ventes, nous, sont à la ferme. [Si] les gens ont peur de venir à la ferme, on perd [certainement] du revenu. »

Mais alors qui reprendra le flambeau?

La relève en agriculture n’est jamais une chose certaine. C’est seulement dans les dernières années que la prochaine génération se demande comment garder la ferme en vie.

Pour l’instant, la prochaine génération de la ferme Marcel Goguen se demande si elle veut faire l’agriculture à plein temps.

« Peut-être qu’ils pensent s’associer entre eux et faire un “deuxième revenu”, mais [...] la plupart ont déjà leurs emplois et tout ça. »

Il se peut, par contre, qu’il y ait des surprises.

« Certainement que ç’a surpris mes parents quand c’est moi qui a repris la ferme. On ne peut donc jamais dire à 100 %, mais on s’attend que la terre et la ferme resteront dans la famille encore pour une autre génération sûrement. »